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L`agriculture de montagne entre politique agricole et politique régionale. Chances
et menaces. Autant l`avouer tout de suite : le thème de ce séminaire est d`une
actualité brûlante. En effet tant la politique agricole que la politique régionale
sont actuellement en révision. L`occasion paraît donc belle de formaliser des
mesures complémentaires dans l`intérêt premier des régions de montagne. Or que
constate-t-on ? D`un côté la nouvelle politique agricole compte sur la politique
régionale pour atténuer ses méfaits dans les régions marginales. Et, de l`autre
côté, la nouvelle politique régionale perçoit la politique agricole comme une
politique du paysage et se concentre sur les agglomérations. Loin de se compléter,
politique agricole et régionale semblent donc se renvoyer la balle. Et les régions
de montagne risquent d`être oubliées par l’une et par l’autre. Peut-être convient-il
ici de rappeler quelques citations extraites d`un bulletin "informatif" de l`administration
fédérale paru en l`an 2000 (Environnement +, 1/2000) : "Les surfaces à entretenir
coûtent cher. Les subventions agricoles par habitant en Suisse sont de loin les
plus élevées d`Europe." "Une protection bon marché et facile à appliquer consiste
simplement à accepter la nature sauvage". "Le développement durable, c`est aussi
renoncer à l`exploitation." "L`espace potentiel pour la vie sauvage ne manque
pas. Au Sud des Alpes, par ex. 34 vallées latérales (plus de 1000 ha au total)
se prêtent à son développement." Force est de constater que le Valais se situe
au Sud des Alpes et que la vie sauvage prospère dans nos vallées. A titre indicatif,
la friche et la forêt avance de 10 m2 chaque minute dans ce canton (1,5 ha depuis
l’ouverture de ce séminaire !). Et les nouvelles stratégies agricoles et régionales
semblent plutôt inspirées de la philosophie du retour au sauvage prônée par mes
précédentes citations. Alors, l`agriculture de montagne a-t-elle encore un avenir
? Et que faire pour la sauvegarder, considérant son intérêt à la fois économique,
écologique et socio-culturel ? Ce séminaire a justement comme vocation d`y réfléchir,
de débroussailler de nouvelles pistes. Il tombe à point. Permettez-moi donc d`y
apporter, non seulement en tant que président du Gouvernement mais aussi ingénieur
rural recyclé, quelques éléments de réflexion qui me paraissent importants : 1.
L`avenir des régions de montagne est dans les mains des populations concernées.
Le salut ne tombera pas tout fait de la nouvelle politique agricole ni de la nouvelle
politique régionale. Dans ce contexte le canton souhaite encourager la collaboration
avec les communes en conduisant des projets participatifs avec les populations
locales. Ces démarches permettent aux milieux concernés de définir des stratégies
de développement et de lancer des projets visant à valoriser les atouts spécifiques
de chaque région. 2. Cette collaboration avec les communes doit conduire à établir
systématiquement des plans de développement de l`espace rural, qui intègrent de
manière globale tous les paramètres du développement durable d`un territoire.
Il convient en effet d`orienter au mieux les infrastructures à créer selon les
stratégies de développement retenues, afin d`y intégrer aussi bien la production
agricole, les infrastructures d`accueil, de vente, les activités touristiques,
que les réseaux écologiques à promouvoir. 3. L`agriculture de montagne doit atténuer
sa dépendance par rapport aux paiements directs. Le tourisme rural et la recherche
de plus-value par des produits typiques y contribuent. Le développement du concept
d`AOC en Suisse, pour lequel le Valais s`est beaucoup engagé, en est un outil
majeur. Il transforme l`identité forte et unique d`un terroir en plus-value sur
les produits; son essence même ne tolère aucune centralisation (ni délocalisation),
ce qui en fait un modèle de résistance face à la logique industrielle et multinationale.
4. La richesse écologique des régions de montagne doit être enfin mieux utilisée.
L`agriculture doit utiliser l`écologie comme un atout et non le subir comme un
frein. Il y a bénéfice d`image en gagner, qui se transformera en valeur ajoutée
sur les produits et prestations de l`agriculture de montagne. Il faut développer
ce que j`appellerai ici le "marketing écologique". En conclusion je suis convaincu
que l`agriculture de montagne a un avenir. Mais elle doit évoluer, mieux valoriser
ses atouts, développer des collaborations avec le tourisme et les milieux environnementaux,
apprendre le marketing. Le retour des consommateurs vers des produits authentiques,
le développement des loisirs et l`attrait de l`écologie sont autant de chances
à saisir. Et l`on sait qu`il vaut toujours mieux utiliser ses atouts que compenser
ses handicaps. Surtout, l`agriculture de montagne devra construire son avenir
elle-même et ne pas attendre son salut des nouvelles politiques agricole et régionale
en création. Les thèmes abordés dans les ateliers de ce séminaire (démarche participative
sur une commune valaisanne, agri-tourisme, valorisation des produits locaux, ...)
démontrent un nouveau dynamisme. Encore faut-il rassembler ces expériences pour
en faire profiter l`ensemble. C`est le rôle de ce troisième séminaire Multimont.
Au nom de toutes les Valaisannes et de tous les Valaisans, j’en félicite les organisateurs,
M. Charly Darbellay en particulier, et les remercie d’y avoir associé le Gouvernement
et son président. |