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Un ingénieur français a écrit un jour : "La route ce n’est pas un simple ruban
de bitume, ce n’est pas seulement un ensemble de services, c’est un objet culturel
qui a une histoire". Et l’on peut rajouter que lorsqu’une route traverse un lieu
chargé d’histoire, cet objet culturel en soi est encore plus difficile à adapter
! Ce ne sont pas les ingénieurs qui ont travaillé sur ce casse-tête de la traversée
de Val-d`Illiez qui diront le contraire, tant le centre de ce village est chargé
d`histoire : l`église et la cure sont classées monuments historiques, alors que
la place centrale, lieu de rencontre multiséculaire, doit être préservée et débarrassée
du trafic de transit pour retrouver tout son charme, sans oublier le respect dû
au monument consacré voici juste 80 ans à Pierre-Maurice Rey-Bellet, dit le Gros
Bellet, à qui le Bas-Valais doit un tournant de son histoire. Oui, ce projet aura
beaucoup coûté en énergie et en matière grise pour concilier les multiples contraintes
imposées par le site : si les problèmes de trafic sont les plus ardus au centre
du village, c`est là aussi que se trouvent les éléments les plus marquants du
patrimoine villageois. Durant plus de vingt ans, des avant-projets ambitieux,
modestes, décentralisés, ont présenté tour à tour des avantages et des inconvénients,
mais aucun n`a su convaincre définitivement les partenaires intéressés, tant sur
le plan technique que financier. En 1999, à la demande de la Commune, mon Département
lançait un nouveau projet dont le concept s’est basé sur les normes routières
actuelles, les directives sur les aménagements de carrefours ainsi que sur les
objectifs communaux. L’avant-projet, tout de compromis, prend compte les contraintes
principales suivantes : - la gestion des circulations en direction de Troistorrents,
de Champéry et des Crosets - Champoussin ; - l’accès à l`église et à la gare AOMC;
- le trafic des bus de ligne ; - les itinéraires piétonniers entre les centres
d`intérêt public et les cheminements des écoliers; - la modération de la vitesse
des véhicules. La Commune de Val-d`Illiez, commune de situation du projet, s`est
associée à l`oeuvre du canton pour redimensionner et réaménager l`espace entre
la gare, la cure et l`église. Après de nombreuses réflexions et optimalisations,
la solution retenue consiste dans son principe, à aménager, à la jonction des
routes de Champéry et des Crosets, un carrefour giratoire donnant également accès
à la place centrale. Une des grandes difficultés du projet a consisté à situer
l`aménagement en altitude pour maintenir les accès aux places, ainsi qu`aux bâtiments
publics et privés. Une grande attention a été portée au maintien du patrimoine
existant. La place elle-même, si elle demeure accessible, est tenue à l’écart
des trafics de transit. Seul un bâtiment sera démoli pour faire place au carrefour-giratoire,
ouvrage clé de l`aménagement. Le projet se prolonge de part et d`autre de ce rond-point
par la correction de la route, sur 200 m` à l`aval et 600 m` à l`amont. La route
existante sera élargie ou rétrécie selon les endroits, soit à une largeur de 6.00
m`, avec quelques rétrécissements locaux à 5.50 m` pour modérer le trafic. Le
projet n’a en effet pas été étudié seulement pour les véhicules : il prévoit la
construction d`un trottoir côté amont, d`une largeur de 1.50 m, qu`il faut insérer
entre la chaussée nouvelle et les bâtiments existants. Le premier tronçon de la
route des Crosets est aussi modifié, en particulier par un abaissement de son
niveau de manière à se raccorder au giratoire. Ce tronçon sera également équipé
d`un nouveau trottoir, jusqu`au bâtiment communal. L`ensemble de l`aménagement
est devisé à 6,9 millions de francs pour la route cantonale et 1,6 millions pour
les aménagements communaux. Le Grand Conseil valaisan a accepté ce projet le 5
février 2001. Aussitôt, le dossier d`enquête publique a été préparé. Compte tenu
de l`impact de ce projet, deux séances d`information ont été tenues à Val-d`Illiez
en présence d`un public attentif qui a pu prendre connaissance des principes et
des détails du projet. La mise à l`enquête publique du 14 septembre 2001 a suscité
quelques oppositions portant pour la plupart sur des questions techniques ne mettant
pas en cause le projet lui-même. L`Office fédéral de la culture, consulté par
les protecteurs des sites, a exigé une analyse du dossier et une expertise supplémentaire
par un spécialiste indépendant du projet, choisi hors canton. L’expert a réexaminé
les contraintes, le trafic et les détails du projet ainsi que les variantes antérieures
non retenues. Il a conclu que "le projet soumis à l`expertise est considéré comme
une option acceptable" et proposé quelques adaptations mineures. Les oppositions
des particuliers ont été traitées et des solutions de compromis ont été trouvées
à satisfaction des intéressés, puisque le projet a été homologué par le Conseil
d`Etat du 7 juillet 2004 et est entré en force sans recours le 20 septembre 2004.
La procédure d`expropriation a débuté aussitôt et la commission d`estimation convoquera
les propriétaires concernés cette année encore. La réalisation peut donc débuter.
Elle commence par des travaux préparatoires permettant de modifier les accès vers
la place centrale, de manière à assurer le maintien de la circulation durant les
travaux principaux, qui s`échelonneront sur une période d`environ 4 à 5 ans, dès
2005. Les travaux seront interrompus en phase hivernale pour des raisons saisonnières
et pour le maintien du trafic touristique en direction des Portes-du-Soleil. Les
villages et stations qui utilisent cette route représentent une population de
6000 habitants avec une capacité de 11`000 lits répartis entre l`hôtellerie, la
para-hôtellerie et les résidences secondaires. Aujourd`hui, je ne ferai qu`un
bref passage à Val-d`Illiez. Je laisse évidemment ici mon aïeul veiller du haut
de la place sur les travaux entrepris à ses pieds, comme il veille sur le Bas-Valais
depuis six générations. 250 ans après la naissance du Gros-Bellet, un ouvrage
pour l’avenir prend forme : je suis fier d’y contribuer avec vous. |
