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Construire un pont, - c`est réaliser un ouvrage d`art bien sûr, - c`est améliorer
la mobilité et l’accessibilité - mais c`est aussi surtout matérialiser l’union
entre les populations, Construire un pont, c`est accomplir un acte qui ne passe
pas inaperçu. Sa trace s`inscrit clairement dans l`espace et dans le temps, et
plus particulièrement lorsqu`il s`agit d`un pont sur le Rhône. La pose de la première
pierre d`une oeuvre comme le pont de Branson est donc un geste spectaculaire,
dont les symboles sont nombreux et riches. Modernité oblige, la 1ère pierre de
jadis est remplacée aujourd`hui par du béton, matériau souvent choisi pour les
ponts du 20ème siècle et probablement longtemps encore pour ceux du 21ème. Cette
première benne de béton frais représente le passage du projet au concret, du virtuel
au réel. C`est la matérialisation de la volonté de construire du Maître de l`ouvrage
et des populations que nous servons. C`est la mue des piles de papier en volume
de béton, en tonnes de métal, et en m2 de bitume. C`est le passage de témoin entre
les cols blancs et les bleus de travail ! C`est la réussite d`un projet, avant
d’être celle de sa réalisation. C`est aussi la fin d`une longue période préparatoire,
de projets, de procédure, de pourparlers : pour ce nouveau pont de Branson, il
aura fallu près de 20 ans avant de poser cette première pierre. Cela se savoure
d’autant plus ! Mais commençons par rendre hommage au travail accompli, parfois
acharné, de tous les partenaires qui ont conduit, collaboré ou participé à ce
projet. C`est le cas de la plupart d`entre vous, Autorités, ingénieurs, architectes,
et collaborateurs de mon département. En quelques mots, permettez-moi de retracer
brièvement les étapes de ce long périple… Le projet débute vers 1985, après l`arrivée
de l`autoroute A9 à Martigny. A l`époque, on établit beaucoup de projets mais
les réalisations vont plus lentement que les souhaits des autorités cantonales
et communales. En effet, les procédures s`alourdissent et les budgets cantonaux
s`allègent ! Le projet est réactivé dans les années 1990. L`état et la capacité
du vénérable pont sur le Rhône deviennent préoccupants, face à la montée des camions
de 25 et 28t. Les analyses et vérifications effectuées démontrent que cet ouvrage
nécessitera des interventions importantes de réparation et de renforcement à moyen
terme. D`autres facteurs deviennent critiques, tels que la largeur restreinte
de la chaussée et la géométrie routière « scabreuse » en raison de la perpendicularité
du pont par rapport à ses routes d’accès. En plus, des projets de renforcement
des digues du fleuve sont en cours, suite à la crue de 1993 qui a contraint les
autorités de Fully à faire évacuer un partie de la population riveraine. Le bilan
de la pesée des intérêts techniques et financiers conclut alors clairement à la
nécessité de construire un nouveau pont sur le Rhône et d`améliorer la géométrie
routière dans ce secteur. Le projet s`élance plus sûrement dès 1996. En gardant
certaines options des projets antérieurs, il est réactualisé pour tenir compte
du développement du trafic routier sur cet axe (env. 4500 véhicules/jour, 30 courses
postales, 250 enfants de Fully au cycle d`orientation de Martigny). On prend aussi
en compte des options environnementales telles que les haies coupe-vent, on intègre
la piste cyclable principale suisse No 1, dite route du Rhône, et on prévoit des
places d`arrêt de bus. En 1998, un projet complet est mis au point sur un tronçon
de 1450 m`, entre la jonction autoroutière A9 de Martigny et la rive droite du
Rhône à Branson. Les territoires de deux communes sont touchés par ce projet :
Martigny (1150 m`) et Fully (300 m`). L`axe du Rhône définit la limite entre ces
deux communes. Saillon et Leytron sont également intéressées. Les habitants reliés
par cette route sont au nombre de 25`000. Du giratoire de la jonction autoroutière
jusqu`au pont sur le canal du Syndicat, le projet emprunte le tracé existant et
réutilise partiellement la chaussée actuelle. Pour franchir le Rhône, le nouveau
tracé routier prévoit un pont biais qui améliore la visibilité et la sécurité
des usagers, avec un profil en long surélevé pour permettre le passage des débits
de crue du fleuve. Le projet est présenté à la Commission du Grand Conseil le
19 octobre 1999. Cette Commission, présidée par feu M. le Député Xaver Theler,
entrepreneur et homme de grande qualité dont j’ai l’honneur de rappeler la mémoire,
accepte le projet à l`unanimité. M. Georgie Lamon en est le vice-président et
M. Raymond Jacquemoud le rapporteur : j’ai plaisir à les saluer ici aujourd’hui.
La Haute Assemblée décide en faveur de ce projet le 12 novembre 1999 et accorde
le crédit y relatif de 9,2 millions de francs. Le projet est mis à l`enquête en
novembre 2000, de manière coordonnée avec le défrichement et l`essartage. Il soulève
quelques oppositions, notamment des milieux de protection de la nature. Dans l`intervalle,
la troisième correction du Rhône prend forme et ses responsables demandent une
extension de l’espace libre pour le fleuve. Le pont est allongé et l`ouvrage prévu
en trois travées. Le projet est homologué par le Conseil d`Etat le 13 juin 2002
et entre en force le 19 août 2002. Suivent aussitôt les procédures d`expropriation
et d`attribution des mandats d`ingénieurs pour l`exécution. En 2003, une première
série de peupliers est abattue et remplacée aussitôt par une nouvelle haie dont
les plants sont judicieusement choisis par les ingénieurs forestiers. Une deuxième
série suit au printemps 2004. La nouvelle haie coupe-vent est ainsi reconstituée
au fur et à mesure de l`abattage des vieux peupliers cassants et dangereux pour
le trafic routier. Un soin tout spécial est porté au nouveau pont, ouvrage clé
de ce projet : on ne concurrence pas le pont d’Avignon sans effort ! Le nouvel
ouvrage, d`une longueur totale de 129 m`, franchit le fleuve par trois travées
de 33, 70 et 26 m`. Il est devisé à quelque 4 millions de francs et nécessitera
un délai de réalisation d`environ 2 ans. Une commission d`évaluation a analysé
les offres de 16 candidats, puis les avant-projets des 6 groupements sélectionnés,
avant de proposer son choix au Conseil d’Etat qui l’a approuvé et décidé. Le pont,
d`une conception nouvelle, satisfait les conditions architecturales, environnementales,
géologiques et techniques. Il s’agit d’un pont en béton précontraint avec poutre
métallique à treillis sous-tendue, aux lignes à la fois fonctionnelles et futuristes.
Les auteurs du projet retenu ont conçu un ouvrage qui s`efface devant la beauté
du site et du paysage, ce qui conduit à un projet dont toute superstructure est
absente. Par contre, l`infrastructure de l`ouvrage, visible depuis les berges
du Rhône, présentera un aspect visuel élégant, harmonieux et transparent. Après
leur mise en soumission par procédure ouverte en avril 2004, les travaux proprement
dits ont pu être adjugés par décision du Conseil d`Etat du 14 juillet dernier.
Un ingénieur spécialisé a été mandaté pour le suivi environnemental. Le pont existant,
construit en 1925 et conçu par l`ingénieur Alexandre Sarrasin, sera démoli dès
la mise en service du nouvel ouvrage. Témoin de cette technique, un pont similaire
a été conservé à Dorénaz. Pendant la construction du nouveau pont, les rampes
d`accès et les raccordements à la route existante seront réalisés en 2005 et 2006.
Le tronçon pont du Rhône pourra ainsi être mis en service à la fin de l`année
2006. Le solde des travaux routiers en direction de la jonction autoroutière sera
exécuté les deux années suivantes. Ce jour est sans doute pour chacun un jour
de joie. Ma joie, elle, est particulièrement intense pour deux motifs : - chaque
pont nouveau répond à cette vocation de trait d’union inscrite dans mon prénom
et dans mon nom ; et le plaisir est plus fort encore lorsque je peux lancer un
pont dans l’un des 4 districts du Bas-Valais dont chacun de mes grands-parents
m’a fait originaire... - le second motif, c’est que je fête aujourd’hui mon anniversaire,
et que je peux partager avec vous ce cadeau, ouvrage de progrès et de développement
pour toute une région. |