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ASSEMBLÉE DE LA RÉGION "EUROPE" DE
L`ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE LA FRANCOPHONIE
CRANS (VS), 10 JANVIER 2000
C`est un honneur et un plaisir pour le Président du Gouvernement du canton du Valais de souhaiter la bienvenue aux plus éminents représentants européens de l`Assemblée parlementaire de la francophonie, et à leurs invités.
Honneur et plaisir, ai-je dit, mais j’y vois aussi pour moi un double danger :
- danger pour le membre d’un Gouvernement lâché seul en pâture devant la fine fleur des parlements francophones ; les 16 ans que j’ai passés au Parlement valaisan m’aideront peut-être à faire face...
- danger également pour le ressortissant d’un pays si géographiquement proche de sa mère linguistique que personne ne lui pardonnera le moindre pataquès. Tout au plus, clin d’oeil de la culture à l’informatique triomphante, puis-je espérer éviter un bug puisque nous ouvrons cette session le 10 janvier 2000, autrement dit le 10-01-00, date parfaitement binaire, donc informatiquement correcte (jusqu’au passage de l’an 2100) !
Mais au-delà de mes craintes, vous aurez déjà saisi que ma joie est grande à participer, aujourd’hui plus encore que d’ordinaire, à cette francophonie de culture et d’histoire.
La francophonie résulte de multiples développements historiques liés, pour les uns, à la longue formation de la langue française sur le continent et, pour les autres, à des siècles partagés dans le rayonnement de la France.
Parce que le Valais qui vous reçoit a vécu et vit à la fois l’histoire et le rayonnement culturel de la France, mon mot d`accueil veut vous dire en quelques traits notre appartenance à la grande famille francophone.
Notre Etat de 280`000 habitants comporte 30% de germanophones puisque, à l’Est de ce lieu, en amont de Sierre et jusqu`au glacier-source du Rhône, la langue allemande domine. Cela n`a pas toujours été le cas et n`a commencé à l`être qu`aux alentours de l`an mille seulement, du fait de la lente pénétration, par le nord, de populations de paysans défricheurs originaires des cantons de Berne et d`Uri.
Auparavant tout notre canton s’exprimait donc en langue celte puis en gallo-romain. C`est en effet vers 700 avant notre ère que la tribu ligure des Lémènes, qui a donné son nom au lac Léman, voit la fin de sa suprématie au profit des Celtes dont les quatre tribus présentes en Valais formèrent une confédération jusqu`à l`inclusion pacifique de notre territoire dans l`empire romain en 15 avant notre ère, 37 ans après l`échec du soulèvement gaulois conduit par Vercingétorix.
Vous l’avez compris : l’expression « nos ancêtres les Gaulois » n’est pas pour nous une quelconque formule tirée d’un livre d’histoire généralisateur, elle est la vérité de notre ascendance. Le Chablaisien que je suis la revendique plus que jamais aujourd’hui ! Mais je m’égare dans le régionalisme...
Nous avons donc, pendant 7 siècles, parlé celte, c`est-à-dire gaulois, puis le gallo-romain de la sphère culturelle franco-provençale. Enfin, bien des siècles plus tard, la langue française a commencé à émerger et s`imposer. Mais le patois, comme l`on dit, est resté vivant dans nos vallées jusqu`au milieu de ce siècle tout comme en vallée d`Aoste et en Savoie qui sont nos deux soeurs les plus proches en francophonie.
Nos accents locaux - le mien n’y échappe pas - révèlent encore cette parenté tout comme nos vaches noires du val d`Hérens que nous appelons reines et dont les soeurs, noires elles aussi, se retrouvent en Val d’Aoste et jusqu’en Camargue.
Le temps me manquerait si je vous disais tout de ce destin partagé entre Valaisans et Français, dans les guerres et les progrès, dans les avatars de l’Histoire qui firent de nous un morceau d’empire sous Napoléon. Je n’évoquerai que le Rhône, fleuve-berceau qui prend source chez nous, qui a façonné notre vallée et sans lequel Lyon, Vienne, Valence, Avignon ou Marseille ne seraient peut-être que villages anonymes.
Le Rhône a coulé et coulera encore en direction de la France en invitant nos coeurs à la même inflexion. Clément d’Alexandrie, 200 ans après J.-C., disait que
« les écrits sont la descendance de l’âme comme les enfants celle du corps ».
Nos écrits et nos paroles sont donc la descendance d’une même âme : nous nous réjouissons d’autant plus de vous recevoir chez nous, amis français bien sûr, mais aussi amis francophones avec qui nous partageons ce que nous sommes.
Permettre à cette âme commune de faire fructifier concrètement une coopération intense et profonde, c’est votre défi et votre but : merci d’y consacrer votre temps, votre compétence et votre enthousiasme. Le Valais lieu de passage au coeur des Alpes par ses cols et ses tunnels, point de contact de 3 cultures, aujourd’hui point de convergence de la francophonie européenne vous accueille ici chez vous. Au nom du Gouvernement, je vous souhaite de fructueuses assises et un agréable séjour en Valais !
Jean-Jacques Rey-Bellet
Président du Conseil d`Etat
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