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Laudatio (texte prononcé)
En récompensant cette année le divisionnaire Jean-Daniel Mudry, la Fondation honore certes un militaire, mais le Prix Rünzi 1999 vient surtout consacrer les mérites de celui qui a mené la candidature de Sion 2006 avec le professionnalisme que l`on sait et les qualités humaines dont peuvent témoigner ses collaborateurs. A travers Jean-Daniel Mudry, c`est d`ailleurs toute l`équipe de la candidature que la Fondation veut remercier d`avoir porté haut les couleurs du Valais et de la Suisse dans une compétition internationale où Sion 2006 n’a perdu que dans l`urne, après avoir remporté les examens techniques devant de grandes villes comme Turin et Helsinki.
La rigueur, la droiture et la modestie qui ont caractérisé Jean-Daniel Mudry comme directeur général de la candidature suisse aux Jeux olympiques d`hiver 2002, puis 2006, s`inscrivent comme des qualités naturelles tout au long de son parcours personnel et professionnel.
Né le 3 octobre 1944 à Sierre, Jean-Daniel Mudry a grandi à Salquenen où son père exerçait la profession de mécanicien auto. Pour sacrifier à la formule d`usage, il a vécu dans un cadre simple une enfance heureuse,. C`était l`époque où la grande majorité des Valaisannes et des Valaisans vivaient dans des conditions que l`on qualifierait aujourd`hui de modestes. De langue maternelle allemande, Jean-Daniel Mudry a trouvé du côté de son père une parenté avec le Valais central et la Noble Contrée. Il a tiré de ses origines cet accent inimitable qu`on lui connaît aujourd`hui et qui réalise une parfaite synthèse entre les intonations françaises, allemandes et italiennes. Jean-Daniel Mudry est l`homme des trois cultures. Il le fallait pour apporter à la candidature olympique suisse l`indispensable esprit d`ouverture et faire de ce projet un défi rassembleur.
Est-ce l`engagement de Jean-Daniel Mudry dans le scoutisme valaisan qui a fait naître en lui ce besoin d`aventures qui le conduira ensuite sur les chemins périlleux de l`olympisme? Peut-être. Mais c`est à force de volonté que Jean-Daniel Mudry gravit l`un après l`autre les échelons qui le mèneront à de hautes responsabilités. Après un apprentissage de laborantin chimiste à Viège, il décroche dans les Grisons son diplôme d`ingénieur chimiste ETS pour travailler ensuite durant trois ans chez Alusuisse Valais au contrôle de la qualité. Dès 1974, Jean-Daniel Mudry se voue à une belle carrière militaire. Elle l`a occupé jusqu`à la candidature olympique et lui a apporté une expérience bienvenue pour mener au-delà des mers, durant ces deux dernières années, la plus difficile campagne de sa vie sous le pavillon du navire amiral de Sion 2006.
En chef militaire qu`il est, Jean-Daniel Mudry sait que ses troupes n`ont pas à rougir du résultat de la campagne olympique. Le directeur général de Sion 2006 l`a dit clairement, le soir du 19 juin, comme il l`aurait dit à la fin d`un exercice militaire dont les règles n`auraient pas été respectées.
Car s`il est une chose qui révolte Jean-Daniel Mudry, c`est bien la duplicité. Et ce sentiment d`avoir été trompé dans le secret d’une urne pourtant transparente le peine aujourd`hui encore, comme tous ses collaborateurs, comme tant de Valaisans. A Séoul, l`homme fort qu`est Jean-Daniel Mudry a pleuré. Homme droit, il a dû constater le décalage entre actes et discours. Il l`a dit publiquement, sans méchanceté ni acrimonie, mais avec la dignité et la pudeur de ceux qui savent perdre.
Jean-Daniel Mudry est aussi un homme de coeur. Ce n`est pas son épouse, Sandra Bernasconi, qui nous contredira. Venue du Tessin, elle l`a suivi d`un bout à l`autre du pays au gré d`un parcours professionnel animé. Elle lui a donné deux enfants : Marco et Laura. C`est elle encore qui lui a offert, tout au long de la folle course aux Jeux d`hiver, le soutien et l`ancrage nécessaires à la solide sérénité qui a caractérisé le timonier de Sion 2006. Elle fait donc pleinement partie de toute l`équipe de Sion 2006 que le Prix Rünzi honore à travers Jean-Daniel Mudry.
L`amour que Jean-Daniel Mudry a toujours porté au sport de compétition l`a sans doute prédisposé naturellement à l`immense défi que constitue toute candidature olympique. M. Mudry a siégé au Comité suisse de l`Inter-Association de ski, il a été président du Biathlon Suisse, vice-président de la Société fédérale de gymnastique à Bellinzone, président du Groupe athlétique dans cette même ville et secrétaire général de l`Union internationale des associations d`alpinisme. Comme directeur général de Sion 2006, Jean-Daniel Mudry n`a d`ailleurs rien fait d`autre que d`appliquer les règles du sport. Certains lui reprocheront peut-être aujourd`hui la clarté, voire la naïveté de ses choix dans une compétition où il ne suffit pas d`être le meilleur pour gagner. Ceux qui connaissent Jean-Daniel Mudry savent qu`il n`aurait de toute façon jamais accepté de construire autrement une victoire.
Jean-Daniel Mudry avait goûté pour la première fois au commandement d`une équipe olympique peu après les Jeux de Lillehammer, lorsqu`il prit la direction de Sion 2002 à temps partiel. Mais c`est après la votation populaire de juin 1997 si favorable à Sion 2006 que les choses les plus sérieuses commencent. Nommé tout d`abord directeur général à temps partiel de la candidature olympique suisse, il consacre dès le 1er juin 1998 toutes ses forces à Sion 2006 pour diriger la dernière grande aventure collective du Valais et de la Suisse en cette fin de siècle. A l`armée comme à la tête de la candidature olympique suisse, Jean-Daniel Mudry est resté exigeant envers les autres et envers lui-même tout en se montrant proche de chacun et soucieux du bien-être de ses collaborateurs. Surtout il a privilégié l`esprit d`équipe, ne cessant de mettre l`accent sur cette communauté de travail à toutes les étapes de la candidature, avec une modestie qui constitue l`une de ses grandes qualités.
Ceux qui ont travaillé au sein de Sion 2006 décrivent Jean-Daniel Mudry comme quelqu`un de "très humain" et de "très humble", avant d`ajouter par exemple : "Même s`il est militaire, je n`ai jamais eu l`impression qu`il donnait des ordres, car il sait être à l`écoute de tout le monde." Les collaborateurs de Jean-Daniel Mudry lui sauront gré, en tout cas, d’être intervenu personnellement pour chacun d`eux afin de les aider à trouver dans la mesure du possible un travail à la fin du rêve olympique.
Jean-Daniel Mudry n`est pas un enfant de la "Wegwerfgesellschaft" et il ne peut donc oublier le travail effectué par son équipe pour la candidature olympique suisse car il n`a jamais adopté la mentalité moderne du "tout à jeter" et du "tout tout de suite". Il aime les choses bien faites et personne ne peut contester que le dossier de candidature de Sion 2006 a été construit jour après jour avec une rigueur et un soin du détail supérieurs, comme l’ont constaté les experts de la Commission d`évaluation du CIO. Dans la première phase du projet, alliant déjà la diplomatie à la technique, Jean-Daniel Mudry a su prendre son bâton de pèlerin et visiter les autorités des communes sites afin de régler les problèmes techniques du dossier certes, mais surtout pour désamorcer les querelles de clochers qui avaient affaibli le dossier de Sion 2002. Le résultat de ce travail de fond qui a mobilisé de nombreux experts et qui a nécessité une forte coordination du côté de la direction générale a porté ses fruits. Sion, le Valais et la Suisse ont montré leur capacité à relever de grands défis. L`espace d`une campagne, le Valais a rassemblé la population suisse sous la bannière étoilée de ses rêves et notre canton s`est attiré la sympathie de tout un pays. Il a fait mieux connaître au monde ses attraits, ses qualités.
Il a enfin jeté les bases d’un développement durable. Tout cela n`est pas rien pour une région à vocation touristique.
Pour le Valais d’autres batailles sont à gagner, pour l’homme compétent d’autres défis sont à relever. La récente élection unanime de Jean-Daniel Mudry à la tête de la Fédération Suisse de Ski a été saluée comme il se doit, synonyme d’espoir. Mais à cette occasion, le titre de presse le plus étonnant et le plus vrai fut pour moi celui-ci :
"Enfin un capitaine !"
Pour un divisionnaire, le compliment n’était pas évident, le vocabulaire hiérarchique militaire faisant plutôt croire à une dégradation ! Je pense pourtant que ce journaliste mérite les palmes académiques sinon militaires. S’appuyant sur l’étymologie, il a sans doute estimé avec raison qu’après avoir tant lutté contre les divisions et pour un esprit de corps, Jean-Daniel Mudry méritait mieux que le terme de divisionnaire : il lui a dès lors décerné celui de capitaine, c’est-à-dire "l’homme qui tient la tête" puisque c’est la place qui lui convient le mieux !
Cher lauréat,
C`est aujourd’hui un plaisir particulier pour moi, en qualité de président du Conseil d’Etat et de la Fondation, de vous remettre le Prix Rünzi 1999. L’attribution de ce prix, je tiens à le souligner, a volontairement été décidée le 25 mai, c’est-à-dire avant la date fatidique du 19 juin, et cela quel qu’en doive être le résultat. Ce n’est donc ni un prix de consolation, ni une manifestation revancharde, ni une étape d’un quelconque rituel de deuil : c’est réellement un témoignage de reconnaissance pour une contribution exceptionnelle à l’aventure du Valais. Avec beaucoup d’autres, j’ai suivi et encouragé votre travail durant ces années exaltantes. Avec quelques-uns, j’ai vécu Séoul à vos côtés, à la fois si loin et si proche de la Planta où battait plus fort que jamais le coeur du Valais. Ce prix, vous le méritez bien, vous et votre équipe. Le Valais, qui a accompli un grand pas en rassemblant des esprits et des volontés autrefois antagonistes derrière un grand projet, trouvera demain d’autant plus de forces pour, uni, construire son avenir. Merci, Jean-Daniel Mudry, d`avoir donné au Valais la confiance nécessaire à l’enthousiasme, le courage indispensable à la prise de risques, l’estime et l’admiration de la Suisse, la force de la dignité dans l’épreuve et, enfin, le témoignage de la persévérance, soeur de toutes les espérances.
Jean-Jacques Rey-Bellet
Président du Conseil d`Etat
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