Vestiges archéologiques, Eglise de Martigny, 13.10.98

Monseigneur le 83e successeur de S. Théodule Madame la Conseillère fédérale, Monsieur le Président du Grand Conseil, Monsieur le Président de la Ville, Madame la Présidente de Pro Octoduro, Mesdames et Messieurs, J`ai l`honneur et le plaisir de vous adresser, au nom du Gouvernement valaisan, un message de salutation très cordiale à l’occasion de cette inauguration. Je le fais en communion, si j’ose dire, avec mon collègue Président Serge Sierro, retenu par d’olympiques obligations. Je m’y prête volontiers en qualité de chef du Département en charge de l’archéologie. Les fouilles de ce que l`on considérait comme l`Eglise paroissiale de Martigny ont révélé l`existence en ce lieu de la première Cathédrale du Valais, témoin du siège épiscopal qui demeura en cette cité jusqu`à la deuxième partie du sixième siècle avant d`être transféré à Sion. Cette mise au jour souligne l’existence très ancienne d’un Valais uni, avant d’être désuni puis réuni voici 200 ans, existence d’une unité valaisanne souvent oubliée et qui fut reconnue par les Romains lorsqu`ils fondèrent à proximité de l`ancienne Octodure le forum Claudii Vallensium, chef lieu de la Civitas Vallensium. Au premier siècle avant notre ère déjà, une confédération de quatre petits peuples, les Nantuates, les Véragres, les Sédunes et les Ubères se partageaient en effet la vallée rhodanienne du lac Léman au glacier du Rhône. Le nom de la première tribu que j’ai citée, probablement dominante à l`époque, les Nantuates, est en celtique l`équivalent exact du latin Vallenses, « ceux de la vallée », qui désigna, depuis l`empereur Claude, tous les habitants du Valais. Vers 43 de notre ère, la réorganisation administrative de la région intervint à la suite de l’aménagement du passage du col du Grand-St-Bernard en une route déjà impériale - pas encore napoléonienne - destinée à offrir l`itinéraire le plus rapide entre l`Italie d`une part, les rives de la Manche et la vallée du Rhin d`autre part. Mille deux cents ans avant l`ouverture de la route du Gothard, c`est donc très naturellement le long de cet axe que se propagèrent les idées qui, de Rome, rayonnaient dans l`empire. Ainsi, au Téménos, vaste enclos sacré gaulois conservé dans le cadre de la fondation Gianadda, succédèrent les témoins de la mythologie romaine tels la Domus Minerva ou encore la Domus du Génie domestique, celle du Génie génétique gardant encore tout son mystère... La conquête romaine de l`Orient apporta jusqu`à Martigny le culte de Mithra dont le Mithraeum est le témoin. Puis un autre culte oriental fit de même son entrée en Valais : un de plus, aurait peut-être observé le journaliste critique de l’époque : pourtant c’était, c’est le christianisme. Avant d’être autorisé en 313 et élevé au rang de religion d`empire en 392, ce culte était bien vivace en ces lieux, comme en témoigne vers l’an 290 le martyre de la légion thébaine à quelques lieues d’ici, près d’Agaunum, St-Maurice. La cathédrale paléo-chrétienne de Martigny est ainsi le témoin de la très ancienne implantation chrétienne dans ce pays puisque Théodore ou Théodule, premier évêque connu dans la région, a souscrit aux Actes du Concile d`Aquilée en qualité d`Episcopus Octodorensis en 381. Ces éléments d’un lointain passé ne trouvent pas souvent l`occasion d`être rappelés, ils justifient pourtant l`appellation d’origine contrôlée AOC que nos Confédérés romands attribuent au Valais : le "Vieux Pays". Aujourd`hui, l’Etat du Valais est fier des résultats obtenus par 25 ans de recherches patientes sur le site d’Octodure. Mais je tiens surtout à remercier la Confédération d`avoir accordé à ces recherches le soutien important qu`elles méritent en raison de leur forte signification. Je ne peux pas manquer de relever également la part prise à la sauvegarde et à la mise en valeur de ce patrimoine archéologique par la fondation Pro Octoduro - pionnière dès 1972 - et la Municipalité de Martigny. Et s`agissant plus spécialement de l’espace archéologique que nous inaugurons, la contribution de la Loterie romande s’est avérée très précieuse pour la mise en valeur et la présentation audiovisuelle des vestiges des premiers sanctuaires chrétiens qui se succédèrent en ce lieu. Trop souvent en effet, l`archéologie doit se limiter à des fouilles de conservation et à valoriser par la description écrite les résultats de ses recherches. Or, pour que l`archéologie puisse apporter sa contribution la plus large et la plus vivante à la compréhension du passé, il est souhaitable que, lorsque l`importance des vestiges le permet, leur accès et leur présentation au public puissent être assurés comme c’est le cas ici. L`archéologie n`aura, bien sûr, jamais l`actualité sociale ou économique d’un débat sur l`adhésion à l`Europe ou sur l`assurance maternité, mais elle occupe au coeur des hommes la place discrète et essentielle des racines. Nous y puisons la conscience d`appartenir à une terre, d’être chacun, chacune, le maillon vivant d’une histoire qui continue, de vivre ou au moins d’approcher le mystère d’une foi qui traverse le temps. Je forme avec vous tous le voeu que les vestiges de la première cathédrale valaisanne mis en valeur appellent leurs futurs visiteurs à considérer l’évolution historique de nos sociétés sous les deux aspects, temporel et spirituel : ces deux aspects sont indissociables dans leur enrichissement réciproque. En conclusion, nous voulons ici dire merci à tous les acteurs de cette oeuvre : ils nous aident à décrypter notre propre intérieur. Jean-Jacques Rey-Bellet Vice-président du Conseil d’Etat
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