Voeux du Conseil d`Etat aux Autorités, Sion 11.01.00

Voeux pour l`an 2000 du Conseil d’Etat aux autorités civiles et religieuses. Sion, salle Supersaxo, 11 janvier 2000 Nous voici en l’an 2000, et le monde est bien vivant, vous et moi en particulier ! C`était une condition indispensable pour pouvoir vous adresser ces voeux... C’est aussi un heureux constat, après tout ce que l’on a dit et prédit au sujet de ce cap-événement. Comme prévu, le passage du 31 décembre 1999 au 1er janvier 2000 a servi de prétexte à l’organisation de fêtes parfois exceptionnelles, et quelques excès : il est tellement rare de voir les quatre chiffres du compteur changer en même temps ! Pour le monde chrétien pourtant, ce passage présente une signification toute particulière: il marque l’entrée dans la 2000e année qui suit la naissance du Christ. C’est donc tout naturellement - surnaturellement devrais-je dire - une date à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire des sociétés qui se réclament du christianisme. Mais quels que soient la signification qu’elles y attachent, nombreuses sont les personnes sensibles au cap que nous franchissons. Beaucoup pensent et espèrent que l’imminence du troisième millénaire servira de déclic à une réflexion profonde sur l’état du monde actuel. C’est là le signe encourageant d’un besoin de retrouver le sens de valeurs vraies. C’est aussi une chance pour l’avenir de notre société, et pour notre planète tout entière. Car tous les jours, ici ou là, des signes nous montrent que nous sommes allés trop loin. Ou plutôt que nous n’allons plus assez loin dans la réflexion qui doit précéder l’action. Ce constat général concerne des domaines aussi variés que l’économie, l’environnement, l’enseignement ou même le sport. En tant que représentants des autorités, la responsabilité de la réflexion ne peut être éludée : dans les domaines qui nous sont propres, la religion, la justice et la politique, nous exerçons tous une influence particulière sur les personnes que nous côtoyons et, par là, sur l’ensemble de la société. Point besoin d’être grand sociologue pour constater que l’être humain n’occupe plus guère la « pole position » dans les préoccupations, sauf quand il s’agit de soi ! La cellule familiale n’est pas davantage valorisée. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les dérives des années 90 dans le cadre du processus de mondialisation de l’économie. Il n’est pas une semaine sans que l’on annonce des restructurations d’entreprises au dénouement classique et soi-disant irrémédiable, les suppressions d’emploi. Les protestations n’y font rien : le processus est présenté comme inéluctable. Les impératifs de rendement ont remplacé et le bien commun et le respect de la personne, consacrant peu à peu la primauté de l’économie sur le politique, du matériel sur le spirituel. Je crois pour ma part, avec vous j’en suis sûr, qu’il est urgent d’inverser cette tendance et de rendre aux termes solidarité, entraide, fraternité un sens concret. Oui il est urgent de prendre conscience que le système actuel produit un nombre grandissant d’exclus. Hier matin, M. Jean-Loup Dherse, ancien vice-président de la Banque mondiale et auteur d’un ouvrage au titre évocateur « L’éthique ou le chaos », exhortait toutes celles et ceux qui détiennent un pouvoir de décision à se poser chaque fois la question : "Quels sont les effets de ma décision sur ceux qui ne peuvent ni me récompenser, ni me punir ?" C’est, je crois, la bonne question, même si elle dérange... Le siècle qui va s’achever a vu triompher les techniques. L’an 2000 doit annoncer le retour de l’humanisme. Cela n’implique pas forcément un retour en arrière en tout. Ce serait utopique d’y croire, et contre-productif de se passer de nos nouveaux outils. Je vois plutôt la mise en place d’un nouvel équilibre entre progrès techniques et manière de vivre. Notre société et notre environnement ne peuvent plus attendre : de trop nombreux signaux d’alarmes en témoignent ! En tant qu’autorités constituées, nous avons à assumer un rôle décisionnel, participer de manière décisive à ce changement, remettre l’économie à sa juste place, celle du service. Dès que l’on occupe un poste à responsabilité, la possibilité nous est donnée d’influer d’une manière ou d’une autre sur le cours des choses. Plus : nous en avons même le devoir ! Cette obligation morale est bien illustrée par Albert Camus, lorsqu’il affirme : « L’homme n’est pas entièrement coupable : il n’a pas commencé l’histoire ; ni tout à fait innocent, puisqu’il la continue ». Ce retour vers l’équilibre, vers davantage de solidarité, nous tous ici présents devons en être les acteurs. Notre responsabilité est grande, angoissante parfois, mais le défi est passionnant parce que vital. Nous sommes confrontés quotidiennement aux problèmes et aux préoccupations de nos concitoyens. Dans leur vie de tous les jours, ces femmes et ces hommes recherchent des points de repères. Ces « balises » doivent être autant de signes clairs et compréhensibles. Cela suppose de notre part une certaine cohérence entre le discours et l’action. Partout autour de nous, les bonnes volontés existent : montrons-leur qu’elles ne sont pas seules! Je suis persuadé que nous trouverons, au cours de cette année 2000, la motivation et le courage nécessaire pour aller de l’avant et refuser la résignation. Le découragement est la meilleure arme du diable. Avec l’aide de Dieu, ne nous laissons pas submerger ! A vous tous et à ceux que vous représentez ici, au nom du Conseil d’Etat et en mon nom personnel, je souhaite une année 2000 remplie de succès. Que la santé vous accompagne dans l’accomplissement de vos tâches, et vous donne ce petit plus indispensable à leur parfaite réalisation. Ensemble nous irons plus loin : bonne année ensemble ! Jean-Jacques Rey-Bellet Président du Conseil d`Etat
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