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Clôture du programme national de recherche PNR31 Réunion des experts à l’Institut
universitaire Kurt Bösch IUKB, 1er mai 1998, Bramois (VS) Intervention de M. le
Conseiller d’Etat Jean-Jacques Rey-Bellet Chef du Département des Transports,
de l’Equipement et de l’Environnement M. le Président, Mesdames, Messieurs, C’est
un honneur et un plaisir pour moi de vous accueillir et vous saluer au nom du
Gouvernement valaisan, en cette circonstance et en ce jour de la Fête du Travail
! Honneur et plaisir, mais aussi reconnaissance pour les travaux que vous avez
menés et dont l’importance est capitale pour le Valais. Dans ce canton en effet
- c’est à peine si j’ose le dire par crainte de vous effrayer - l’inventaire des
dangers naturels a répertorié au début des années 90 quelque 300 sites exposés
aux dangers géologiques et hydrologiques qui affectent les zones d’activité humaine
et les voies de communication du canton: ceux-ci se répartissent à raison de 2/3
de danger géologique (éboulements, chutes de pierres. glissements, etc.) et 1/3
de danger « eau ». Depuis 1950 il a été construit 120 km d’écrans pare-avalanches
pour un montant global de 400 millions de francs. Pour garantir la sécurité du
réseau routier vis-à-vis des seules chutes de pierres, le canton consacre annuellement
quelque Fr. 300`000.-- en études et mesures d’assainissement urgentes. Les travaux
de protection à long terme (tunnel, galerie, digue, etc) réclament quant à eux
plusieurs millions d’investissements par an. De plus, on sait que plus de la moitié
du territoire cantonal est menacé par un risque de tremblement de terre à raison
d’une secousse de 5.5 à 6 sur l’échelle ouverte de Richter pouvant se produire
avec une périodicité de 100 à 200 ans (les « big one » se sont produits en 1755,
1855 et 1946). Le monde d’aujourd’hui, fort des progrès techniques et scientifiques
de ces vingt dernières années, accepte de plus en plus difficilement l’effet de
surprise et le sentiment d’impuissance provoqués par un événement majeur, cela
sans même parler de la sécurité objective des personnes qui est évidemment une
absolue priorité. L’attrait touristique d’un canton comme le nôtre dépend de la
réponse que nous pouvons donner aux inquiétudes de nos hôtes. L’éboulement de
Grossgufer à Randa (1991) fut un événement suffisamment rare pour être peu à peu
oublié par la mémoire collective mais, en même temps, d’une ampleur tellement
exceptionnelle qu’elle a marqué d’un sceau indélébile toute personne qui a vécu
cet événement. L’importance du volume écroulé au cours de la première phase d’éboulement
(15 Mio m3) a été une surprise complète pour les responsables cantonaux en matière
de dangers naturels. Rétrospectivement, sur la base des données scientifiques
disponibles aujourd’hui, on constate que ces personnes n’avaient pas les outils
pour détecter les indices annonciateurs d’un tel événement. Est alors arrivé en
1992 le PNR31. Son thème "Changements climatiques et catastrophes naturelles"
était chargé d’espoir pour le Valais, puisque les travaux de ce programme de recherche
national étaient censés nous fournir des réponses ou tout au moins des pistes
valables pour mieux assurer la sécurité des populations des vallées latérales,
de leurs hôtes et de leurs biens. Dix-huit projets de ce Programme national ont
pris pour thème le Valais avec un certain nombre de résultats non négligeables
au titre de « Grundlagen für die Kantonsraumplanung ». Je pense notamment aux
travaux de MM. Zimmermann, Haeberli, Grebner (pour ne citer qu’eux) en matière
respectivement de laves torrentielles, pergélisol et glaciologie. Je me dois de
relever également le projet Rouiller qui a profité du soutien inconditionnel de
M. le Prof. Ch. Emmenegger que je remercie ici : son thème "Pentes instables dans
le Pennique valaisan" a finalement permis de poser les bases de la méthodologie
d’auscultation des falaises et de détection des éboulements majeurs désormais
plus connue sous le nom de MATTEROCK. Grâce à cette méthodologie, le géologue
cantonal dispose aujourd’hui d’un outil performant qui lui permet d’étayer ses
décisions sur la base de formules scientifiques concrètes. Il n’en est plus réduit
à "tenir compte de la vitesse du vent" ou à consulter une voyante (clin d’oeil
à Randa...) avant de préaviser un dossier d’autorisation de construire en périmètre
de danger. De plus, il a pu commencer l’inventaire cantonal des éboulements majeurs
potentiels. Comme l’indique clairement le rapport final du projet Rouiller, la
démarche scientifique pour faire de MATTEROCK un réel système expert utilisable
par le plus grand nombre de géologues possible nécessite de poursuivre la recherche
dans ce domaine. J’espère que le programme CLIRIS appelé à succéder au PNR31 donnera
suite avec bienveillance aux requêtes dans ce sens de CREALP, centre de recherche
qui a porté le projet Rouiller. Je crois donc qu’il y a lieu d’apprécier à sa
juste valeur l’apport du PNR31 pour le Valais. Pas seulement pour les problèmes
d’éboulement mais aussi pour l’amélioration des connaissances qu’il a permise
en matière de prise en compte des dangers naturels dans le cadre d’un aménagement
réfléchi du territoire. Je ne voudrais pas conclure mon intervention sans relever
aussi l’action de sensibilisation certaine qu’a engendré votre Programme auprès
des populations du Mattertal et du Saastal ; en cas de nécessité, cela facilitera
grandement l’acceptation par la population et les élus locaux de certaines contraintes
dans l’élaboration et la révision des plans de zones. Je pense enfin que sans
le PNR31 un projet comme CONSECRU - qui a démarré après les événements de Brig
(1993), sous l’impulsion notamment de M. Petrascheck, expert ici présent - n’aurait
pas abordé le concept de protection contre les crues et laves torrentielles en
Valais avec un tel esprit de rigueur scientifique et de collégialité « fédéro-cantonale
». En conclusion, si le PNR31 nous a appris que le Bergsturz Randa n’était pas
la conséquence d’une vengeance divine à l’égard d’un citoyen du lieu qui aurait
commis un péché d’orgueil, c‘est aussi grâce aux « lunettes » héritées de ce Programme
que nous pouvons dorénavant rechercher le site de l’éboulement majeur qui ne manquera
pas de survenir au cours du XXIème siècle. Le Valaisan, et avec lui tous les Confédérés,
va entrer dans le nouveau millénaire avec quelques croyances ancestrales en moins
et une conviction en plus : s’il ne peut pas encore empêcher les cailloux de tomber,
il sait tout au moins que son avenir est gravé dans la roche sous forme de discontinuités
et qu’il importe de se munir des bonnes lunettes pour le déchiffrer. Face à la
nature et ses dangers, l’humilité reste de rigueur, mais jamais la résignation
qu’impose l’ignorance. Mon intervention a choisi ses illustrations en Valais non
par nombrilisme, mais pour mettre en évidence les résultats concrets de la recherche
trop souvent considérée comme déconnectée du temps et des préoccupations réelles.
L’apport irremplaçable de la recherche doit être souligné par tous ceux qui occupent
des responsabilités dans la société, afin que la population en prenne conscience.
Au nom du Conseil d’Etat et du peuple valaisans, je vous remercie très sincèrement
de votre précieuse contribution au PNR31 et vous souhaite un agréable séjour en
Valais ... en toute sécurité ! Jean-Jacques Rey-Bellet Conseiller d`Etat |