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Réception à Val-d’Illiez * 26 juillet 1997 A l’occasion d’une fête au village,
il y a 3 pièges à éviter pour une allocution : · la pluie : c’est le président
qui fait la pluie et le beau temps, adressez-vous à lui ! · un sermon : je vous
promets qu’il n’aura lieu qu’à 19h30 · un discours du Premier Août : je ne le
ferai pas avec 6 jours d’avance ! Ni sermon, ni discours : je suis ici avec vous
tous en famille, je serai donc simple et sincère. D’ailleurs, si ma nouvelle fonction
de Conseiller d’Etat m’était montée à la tête, le prospectus de ce jour m’aurait
déjà ramené à la plus grande modestie : j’y voisine en effet avec les « puces
» du marché et une vache folle en gros caractères ! Je veux d’abord vous dire
MERCI pour le soutien et la confiance accordée en mars dernier : 87 jours après
mon entrée en fonction, c’est en connaissance de cause que je peux vous remercier
de m’avoir appelé à cette tâche un peu stressante mais surtout passionnante. Un
Val-d’Illien au Conseil d’Etat, ce n’est pas banal. Mais c’est encore plus extraordinaire
pour un descendant du Gros-Bellet. Deux cents ans après les événements qui amenèrent
l’indépendance du Bas-Valais, six générations après Pierre-Maurice Rey-Bellet,
dit le Gros-Bellet, qui fut le héros de cette lutte, c’est un Petit-Bellet qui
accède au Gouvernement valaisan. (Monsieur le Président a fait allusion à ma taille
: je préciserai que mon ancêtre mesurait 1 m 92 et que j’ai perdu 4 cm à chaque
génération. Je vous laisse calculer) Je veux donc dire ma fierté, et faire plus
qu’un clin d’oeil à mon illustre aïeul dont le buste domine cette place. Il s’était
battu pour faire respecter les droits fondamentaux de liberté et de justice. Ce
combat pour la liberté et la justice est toujours à recommencer, sous d’autres
formes : - les chômeurs ne sont pas libres, leur sort n’est pas juste - les personnes
isolées ne sont pas libres, leur sort n’est pas juste - les malades ne sont pas
libres, leur sort n’est pas juste - les enfants écartelés dans des familles déchirées
ne sont pas libres, leur sort n’est pas juste. Le besoin de solidarité qui existait
il y a deux siècles et auquel a répondu le Gros-Bellet existe toujours : c’est
la raison et le but de mon engagement politique. Ma fierté, c’est aussi celle
d’être Val-d’Illien. Brassens parlait avec mépris des « imbéciles heureux qui
sont nés quelque part ». Je n’entre pas dans cette catégorie, puisque je suis
né à St-Maurice et que je dis ma fierté d’être Val-d’Illien ! Remarquons en passant
que l’église de Val-d’Illiez est dédiée à saint Maurice : le monde est petit ...
Justement, à l’heure de l’Europe, de la mondialisation, n’est-ce pas une fierté
anachronique que de se dire originaire de tel ou tel lieu ? Je suis quant à moi
convaincu que pour être à l’aise toujours et à sa place partout, il faut savoir
qui l’on est et d’où l’on vient. On dit en plaisantant que la bonne grandeur pour
un homme, c’est quand les pieds touchent par terre : savoir et reconnaître de
quelle terre l’on est issu, c’est savoir et reconnaître que nous faisons partie
d’une longue chaîne dont nous sommes le présent, le Gros-Bellet le passé, mon
fils Frédéric l’avenir. Cet attachement à un lieu d’origine n’empêche d’ailleurs
pas de s’exporter, et le Val-d’Illien s’exporte plutôt bien : à Champéry, à Monthey,
à St-Maurice au pied de la Cime-de-l’Est, et, plus loin qu’autour des Dents-du-Midi,
sur les pistes enneigées et dans bien des pays étrangers. Il faut dire, malgré
notre modestie, que les Val-d’Illiens ont quelques qualités. L’écrivain français
Ebel disait déjà voici 200 ans : « Les habitants de Val-d’Illiez ont un génie
bien plus vif et plus délié que leurs compatriotes du bord du Rhône, une originalité
pleine d’énergie, de bonhomie et de franchise. Ils sont connus pour la vivacité
de leurs réparties, très bienfaisants envers les malheureux et hospitaliers à
l’égard des étrangers. » Excusez du peu ! Avec une telle description, il faudrait
être insensé de ne pas rappeler partout que l’on est Val-d’Illien... Mais bref,
si vous m’avez fait l’honneur de me recevoir en grandes pompes aujourd’hui, c’est
pour fêter ma nouvelle fonction et entendre, pourquoi pas, une petite promesse...
Il est vrai que le Département que je dirige - celui qu’on appelle encore « Travaux
publics » - m’expose à de nombreux risques de promesses. Je crains pourtant ne
pouvoir être une corne d’abondance inépuisable : Val-d’Illiez a d’ailleurs la
chance d’en posséder une sur ses armoiries ! Ce que je peux vous promettre, c’est
d’être à votre écoute pour agir au mieux à votre service et à celui du Valais.
Quant aux routes, le même auteur français Ebel déjà cité écrivait il y a deux
siècles : « L’absence de bonnes routes fait que dans toute la vallée d’Illiez
il ne roule aucune roue : on attend la saison des neiges pour les transports,
qui se font avec des traîneaux. » La situation s’est donc un peu améliorée depuis...,
et l’accès à notre verte vallée va encore s’améliorer bientôt ! A notre époque
de communication, les liens prennent une très grande importance. En ce domaine
les Val-d’Illiens sont tout un symbole, puisqu’ils portent jusque dans leur nom
des traits d’union : Rey-Bellet bien sûr, Rey-Mermet, mais aussi Borrat-Besson,
Caillet-Bois, Es-Borrat, Gex-Collet ou Gex-Fabry... J’ai beaucoup parlé des gens
d’ici, mais pour qu’une fête soit complète, il y faut des amis nombreux. A vous
qui êtes venus d’ailleurs faire la fête à Val-d’Illiez, je tiens à apporter un
salut tout particulier du Conseil d’Etat valaisan. Vous avez bien choisi en venant
ici, puisque Val-d’Illiez s’est toujours montré très accueillant. J’en veux pour
preuve ce règlement communal de 1774 sur les débits de vin : « Il ne sera remis
qu’un demi-pot de vin par personne avant la messe et un demi-pot après la messe,
mais le règlement s’empresse de rajouter : « Il ne sera pas tenu d’observer ce
règlement à l’égard des étrangers : il faudra au contraire les loger et leur fournir
la nourriture pour un prix raisonnable, et leur livrer du vin tant qu’il n’y aura
pas lieu de craindre des excès. » Amis visiteurs, les Val-d’Illiens ne pourront
pas faire la fête à armes égales avec vous s’ils sont condamnés à l’eau après
un demi-pot de vin. C’est pourquoi, ce règlement approuvé par le Conseil d’Etat
en 1802, je l’abroge aujourd’hui et autorise les débits de boissons à traiter
tout le monde de la même façon ! Merci de cette réception, à votre santé et que
la fête soit belle ! Jean-Jacques Rey-Bellet Conseiller d’Etat |